Aish. Encore une journée pourrie. Pourquoi était-il allé en cours, seulement ? Alors qu'il sentait dès le départ, dès qu'il s'était levé, qu'il ferait mieux de ne pas y aller ? Et bien, il aurait mieux fait de faire comme d'ordinaire et de sécher le cours d'histoire -comme à son habitude- plutôt que de s'y rendre en espérant pouvoir y faire la sieste. Parce que, bien évidemment, Ki Hyun n'avait pas pu, le professeur ayant visiblement décidé de s'acharner quelque peu sur le redoublant, qu'il voyait habituellement si peu à coup de « Oh, M. Yû semble enfin décidé à nous faire grâce de son exceptionnelle présence ? Vous m'en voyez flatté.» et autres « Voyons si vous en savez assez pour vous permettre de sécher ainsi mes cours : quelle est la date de [insérez ici un événement historique au hasard...] ? Comment ?! La réponse vous échappe ?! Un regrettable oubli, j'en suis persuadé. Essayons encore ! » tous plus sarcastiques et railleurs les uns que les autres. Connard. La pensée lui avait traversé l'esprit à plusieurs reprises, tout en le foudroyant d'un regard noir de colère. Le genre qui promet probablement une vengeance aussi, ah ça, s'il le pouvait ! Il ne manquerait assurément pas de le faire. Toujours est-il que si au départ, le coréano-japonais était resté plutôt calme, presque blasé... et bien il avait faillit finir par péter un plomb et piquer une crise en pleine classe. Heureusement -heureusement...- ses ongles s'enfonçant dans son genoux à travers son jean sombre, dans sa paume sous son bureau pour l'autre main, ses dents serrées alors qu'il s'efforçait de respirer le plus profondément possible, l'avaient aidé à garder un semblant de calme et à ne pas partir dans une nouvelle crise de fureur. Catastrophe évitée, mais de peu : la sonnerie signifiant la fin des cours avait sonné comme un gong de libération. Il avait du se forcer à prendre son temps pour sortir en même temps que les autres -une expression neutre mais digne sur le visage-, et non pas à bondir de sa chaise directement hors de la salle dès la première note retenti, cependant. Ca aurait bien trop ressemblé à une fuite de lâche, à ses yeux, et sans doute aux yeux de bien d'autres élèves. Et lâche, il n'est pas.

A présent, le voilà vient de faire le tour du lycée, afin de se trouver une place dans un coin presque caché hors de l'enceinte. S'adossant contre un mur, il s'assure qu'aucune caméra n'a été placée depuis la dernière fois qu'il s'est arrêté ici -paranoïa quand tu nous tiens...- et que personne ne se trouve dans les horizons, avant d'enfouir sa main dans une des poches de sa veste de cuir. Deux ou trois secondes de recherches, ses doigts se referment sur un fin petit sachet plastifié, transparent. Il le tire de sa poche, vérifie le contenu d'un simple coup d'oeil pour être sûr de ne pas s'être trompé. Ses yeux tombent sur quelques petites cigarettes à l'apparence étrange, légèrement conique, roulées à la main. Parfait. Tirant l'un des joints du sachet après encore un coup d'oeil autour de lui, il le porte à ses lèvres d'une main, tandis que l'autre repart fouiller ses poches à la recherche d'un briquet. Un paquet de mouchoir, un étuis métallique... Un paquet de clopes... Là ! Le voilà. Plaçant sa main devant le pétard coincé entre ses lèvres un peu gercée, il doit s'y reprendre à deux reprises pour réussir à l'allumer, sa main actionnant le briquet tremblant légèrement. Puis, enfin -enfin !- c'est la libération. La première bouffée de fumée lui envahit la bouche, la trachée, les poumons. Ca n'est même plus vraiment fort pour lui, juste agréable, détendant... Se laissant aller un peu plus contre le mur, il tire une seconde fois sur le joint alors qu'un mince sourire en coin apparaît sur ses lèvres. Ca, oui, ça fait du bien. Et ça le détendra juste ce qu'il faut pour être prêt au dîner que son père à eu la merveilleuse idée d'organiser avec sa copine pour la lui faire rencontrer, elle et sa fille. Qui apparemment serait dans son lycée. Grognement. Qui cela peut bien-t-il être ? Moarf, il s'en contre fout, tant qu'elle ne se mêle pas de ses affaires et le laisse vivre sa vie. Mais bon, il espère tout de même qu'elle ne sera pas trop agaçante... Peut-être devrait-il prendre un second cylindre, après celui-là, néanmoins... histoire d'être sûr de pouvoir supporter la soirée.

Et, juste alors que Ki Hyun est en train de réfléchir à cela, plongé dans ses pensées, tapotant distraitement son joint du pouce pour en faire tomber la cendre, une silhouette féminine apparaît. Il sursaute presque, se redresse. Oui, c'est bien une jeune fille de sa classe qui se trouve là. Il fronce les sourcils, grogne d'une manière presque inaudible. Qu'est-ce qu'elle fout là ?! Est-ce qu'elle compte le dénoncer à l'école ? Il en doute ; les professeurs doivent se douter de ce qu'il fait -ou prend- hors de cours, avec sa tête, ses attitudes, les rumeurs, et ils n'en font heureusement rien. Et au pire... il lui suffira certainement de la menacer un peu pour lui en faire passer l'idée, si le besoin est ? Quoique, même si elle le dénonce, il est suffisamment malin -ou clean ou sous amphet' en tout cas...- pour réussir à se sortir de ce guêpier, tant qu'il n'y a pas d'enquête poussées. Enfin, là n'est pas encore le problème ! Aussi, lançant un regard presque légèrement dédaigneux à la jeune femme en arquant un peu un sourcil, Ki Hyun lance d'une voix tout de même peu avenante :

- T'as pas quelque chose d'autre à faire que de me regarder ? Tsss.

Se retournant alors pour écraser son mégot contre le mur, l'abandonnant au sol après l'y avoir laissé tomber. Puis, il part, sans plus lancer un regard à la fille. Sans savoir, encore, qu'il allait la revoir juste quelques dizaines de minutes plus tard...

Et effectivement, environ une heure et demi plus tard -une heure, trente-sept minutes et vingt-et-une secondes, plus précisément, Ki Hyun et son père, se retrouvent sur le seuil d'une jolie maison, où ils viennent tout juste de sonner. Le jeune homme a les mains enfoncées profondément dans ses poches, l'air nonchalant, presque las. Ce qu'il est. Non, mais vraiment... Il n'a absolument pas la moindre envie d'être là ce soir, et encore moins de perdre sa soirée à feindre un intérêt quelconque pour la copine de son père et sa fille, ni même de passer pour quelqu'un de gentil, agréable, parfaitement clean et plus ou moins normal. Non, absolument aucune, il préfèrerait de loin être tranquille chez lui -ou dans la rue- à planer tranquillement parmi les nuages ou il ne sait qu'elle autre très agréable échappatoire. Aussi, lorsque la porte s'ouvre pour laisser voir la fille qui l'avait surpris à peine une heure maintenant-presque-quarante plus tôt, imaginez sa surprise ! Autant dire qu'il crut avoir une hallucination, l'espace d'un instant, clignant plusieurs fois des yeux pour être sûr de ne pas avoir rêvé. Et bien non, il ne croit pas -à moins que sa marijuana ait vraaaaaiment été très chargée et aussi modifiée, ou que la drogue commençait à lui laisser des effets irréversibles sur le cerveaux pour le faire halluciner ainsi. C'est bien la fille de sa classe. Mais... Que fait-elle là ?! Il lui faut encore deux ou trois secondes -et la porte fermée- pour se rendre compte que oui... C'est bien elle, la fille de la compagne de son père. Merde.... Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire !