Notre famille, notre entourage définissent-t-ils ce que nous sommes ? Peut-être. Peut-être que si je n'étais pas fils d'un PDG et le frère de deux garçons et une fille, plus âgés que moi, qui ont réussi je n'aurais pas eu le comportement que j'ai actuellement et depuis quelques années. Mais on ne refait pas le monde avec des si. Et puis j'aime me dire que je me suis construis moi-même Seul. Quoi qu'il en soit il faut reconnaître que même si je préfère les éviter; les membres de ma famille ont sans doute joué, par le passé.
  Petit dernier. Devant moi des aînés brillants, plus âgés d'au minimum sept ans. Des résultats scolaires plus élevés que la moyenne. Et de large. Admis dans les meilleurs lycées puis universités de la capitale. Maintenant ils ont suivi les traces de ce cher papa qui a réussi. J'imagine que eux aussi préféreront leur travail à leur famille. Mais passons. Forcément tout le monde s'attendait à ce que je fasse de même. Cours particuliers, intensifs. Mais je n'avais pas l'excellence de mes aînés. Pas plus bête. Pas intéressé voilà tout. Jusqu'au collège j'ai accepté de me plier à leurs exigences. Devant subir la comparaison à ceux qui avaient réussis. Critiques. Toujours. Pourquoi complimenter celui qui ne fait pas aussi bien que les autres. Je faisais tout de même parti des meilleurs de la classe. Mais je n'étais pas le meilleur.
  Je ne me souviens plus à quel moment j'en ai vraiment eu marre. Ce sentiment d'oppression. Toujours. Jamais assez bien. Fils invisible. Vers la fin du collège j'ai commencé à sécher les cours, fumer, fuguer. Me battre aussi. De plus en plus souvent. Rébellion d'adolescent ? Peut-être aux yeux de certains. Mais pour moi c'était juste acquérir ma liberté. Faire ce que je voulais. Sans tenir compte des remarques de mon entourage. Le résultat n'a pas tardé . J'ai été viré. De l'école d'abord. Puis de chez moi. Enfin pas véritablement puisque mon père m'aurait gardé si j'étais revenu dans le « droit chemin ». C'est moi qui suis parti. Mes parents ont accepté mon émancipation. Et m'ont même mis de l'argent sur un compte. De quoi vivre jusqu'à ce que j'atteigne ma majorité. Dernier cadeau. Je n'existais plus. Pour eux. Pour mes frères. Pour ma sœur. Je crois qu'en un sens cela les soulageait. Je n'étais plus un membre de leur famille. Ils n'avaient plus à avoir honte de moi. Et ce n'est pas comme si une relation fusionnelle s'était un jour développé entre eux et moi. Pauvre petit fils de riche n'est-ce pas ?
  Avec leur argent j'ai loué un appartement. Pas très grand. Mais vivable. Je suppose que la plupart s’attendrait à y trouver un véritable chantier à cause de mon côté je-m’en-foutiste. Mais il s'avère que je dois être le type le plus contradictoire de Tokyo. Peu décoré, mais rangé. De même je n'aimais pas étudié mais j'aimais la lecture. J'aimais la tranquillité mais avais tendance à m'énerver pour pas grand chose. La scolarité étant obligatoire j'ai fais mon entrée au lycée Warui. Complètement opposé des établissements que j'avais fréquenté auparavant. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il avait été l'objet de mon choix. Devant tout ce qu'il s'y passait, ne pas être assidu et sérieux n'était pas un motif de renvoi. D'autant plus que le niveau était moins élevé que lors des cours particuliers que l'on m'avait fait prendre. J'avais donc des notes correctes aux examens. Disputes, bagarres, tous les jours. Je n'y participais pas. Ou seulement lorsque j'étais provoqué. Et je ne m'en tirais pas trop mal. Je savais me battre. J'avais été initié jeune aux arts martiaux et depuis ma dernière année de collège j'avais eu l'occasion de les mettre en compétence dans la vraie vie, si l'on peut appeler ça comme ça. Contrairement à d'autres quand je me battais ce n'était pas pour défendre l'honneur de l'école, mais pour qu'on me fiche la paix.
  Et maintenant que notre lycée a été fusionné avec une école de fille... J'imagine que sécher risque de s'avérer plus compliqué mais rien n'oblige à être attentif en cours tant qu'on est là. Je ne compte pas changer mes habitudes.